Ce que raconte la confection du pain de la culture indienne
Article invité rédigé par Marlène Levy
Lors de mon dernier voyage en Inde, j’ai eu la chance d’apprendre à fabriquer du pain indien, le chapati, avec une amie indienne du village de Pushkar. Cet apprentissage m’a permis d’observer de plus près le mode de vie des familles indiennes et d’en saisir un peu la richesse.
Il existe plusieurs sortes de pains indiens. Fabriqués avec ou sans levain, avec de la farine de blé, de la farine de riz, de maïs ou de légumineuse (lentilles, pois chiches, etc.). Les modes de cuisson sont également variés (poêle, four à bois, friture).
Le pain indien, une fabrication maison
Le point commun à l’ensemble de ces différents pains est qu’ils sont tous fabriqués à la maison ou dans les restaurants. Il existe quelques boulangeries mais elles vendent uniquement du pain de mie pour faire des sandwichs ou des toasts. Le pain est un aliment central dans la cuisine indienne. Il est fabriqué quotidiennement, pour chaque repas. Presque tous les pains sont plats, en forme de galette. Le pain ne se rompt pas entre les différents convives car ils sont individuels.
J’ai appris à cuisiner le pain le plus consommé en Inde : le Chapati.
La recette est simple : farine de blé complète, sel et eau. Sona, ma cuisinière préférée, m’a ouvert les portes de sa cuisine pour me transmettre son savoir.
Il n’a pas besoin d’être préparé à l’avance car il n’est pas nécessaire de faire lever la pâte.
La cuisine, un lieu de vie dans la maison indienne
Les cuisines familiales que j’ai visitées au Rajasthan (Nord de l’Inde) disposent de grand plan de travail en marbre. Cette pierre est très courante dans cette région. La vaisselle est en métal (verres et assiettes). Léger et incassable !
La cuisine est le lieu de confection du repas ainsi que celui où l’on mange. Par terre. Il n’y a ni table, ni chaise. Il n’est pas rare que les Indiens prennent leur repas dans leur chambre, sur leur grands lits XXL et devant la télé !!!
La cuisine de Sona est équipée d’eau courante, mais elle n’est pas potable. Les habitants de la petite ville de Pushkar (au centre du Rajasthan) se font livrer en eau potable par la Commune tous les jours par camion-citerne. L’eau est stockée dans les maisons la plupart du temps dans des récipients en métal l’hiver (cuivre ou acier) et l’été dans un pot de terre pour maintenir sa fraîcheur.
Les Indiens utilisent un petit pot commun pour boire. Ils ne portent pas le pot aux lèvres. Ils mettent le verre au-dessus de leur bouche et versent l’eau dans la gorge. C’est une technique plutôt acrobatique quand on n’a pas l’habitude qui a souvent pour effet de mouiller son tee-shirt !!
Fabrication du chapati : place à l’action
Pour commencer la fabrication des chapatis, dans une grande jatte, nous avons mélangé la farine et le sel. Nous avons versé progressivement l’eau pour former une pâte assez souple que nous avons pétrie pendant 10 minutes environ avec le point fermé. Comme tout cuisinier expérimenté, Sona effectue le dosage des ingrédients à l’œil.
Pour les apprentis cuisiniers comme moi, la recette est la suivante : pour environ 10 chapatis, il faut 300 grammes de farine, 1 cuillère à café de sel et 250 ml g d’eau. On peut ajouter 2 ou 3 cuillères à soupe de ghee ou huile végétale pour plus de moelleux.
La pâte doit reposer entre 15 et 30 minutes dans un récipient recouvert d’un torchon. Nous avons ensuite confectionné des petites boules de pâte tenant dans le creux de la main. Chaque boule est aplatie et prendra la forme d’une crêpe d’environ 15 cm de diamètre et d’au maximum un demi centimètre de hauteur. Nous faisons cuire cette crêpe dans une poêle spéciale appelée Tava.
Aucune matière grasse de chaque côté. Puis directement sur la flamme. Et là c’est magique.
Le Chapati gonfle comme un petit ballon ! Chaque chapati est arrosé de Ghee, le fameux beurre clarifié indien fait à partir de la matière grasse du lait entier.
Le rôle du pain, essentiel chez les indiens
Le 1er chapati est réservé pour les vaches sacrées ou les autres animaux (chiens, oiseaux). Les autres seront pour nous. Ce jour-là, j’ai appris la recette du pain quotidien des Indiens. Sona m’a aussi rappelé l’importance du respect envers la nourriture, de l’importance du partage. Plus que la transmission d’une recette, Sona m’a transmis une part des valeurs traditionnelles indiennes.
Le chapati, en plus de ses qualités gustatives et nutritives a aussi une autre fonction : il sert de cuillère pour manger les plats qu’il accompagne. Il n’y pas de couvert en Inde. On utilise le pain ou directement la main pour pousser, rassembler et porter à la bouche, même si les autres mets sont liquides…Manger directement avec sa main ajoute un sens supplémentaire dans la dégustation du repas : le toucher ! Cela demande aussi une petite expérience pour ne pas tacher son tee-shirt (qui de toute façon est déjà mouillé !! ).
Beaucoup de temps passé à cuisiner
Sona m’a confiée passer minimum 3 à 4 heures par jour à cuisiner, soit presque un mi-temps !! Elle cuisine tous les matins pour préparer le petit déjeuner et le déjeuner qu’elle mettra dans les fameuses « lunch-box » pour les enfants et son mari.
Elle cuisinera aussi le soir pour le dîner. En Inde, les repas ne sont pas préparés à l’avance. Les achats des produits frais sont effectués au jour le jour. Il n’y a presque pas de produits cuisinés commercialisés. La cuisine est faite à partir des produits bruts.
Le fait de cuisiner avec Sona m’a permis de manger avec elle. Les fois précédentes où j’avais été invitée à manger chez elle, je n’avais pas eu cette chance. En effet, invité on est servi par nos hôtes qui mangeront après. Ces derniers nous servent mais ne partagent pas le repas. C’est un signe de respect pour leurs invités. Cela est inhabituel et peut être déroutant au regard de notre culture occidentale.
J’ai été honorée par cet échange avec Sona. Elle m’a transmis d’autres recettes. Au travers de chacun de ces moments d’intimité, j’ai un tout petit peu plus compris la diversité et la richesse de la culture indienne.